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L’UE veut protéger les travailleurs des plateformes numériques

Présenté fin 2021 par la Commission européenne, le projet de directive vise à améliorer les conditions de travail des travailleurs et à promouvoir une croissance durable des plateformes de travail numériques.

La Commission européenne a dévoilé, le 9 décembre 2021, ses mesures relatives aux « conditions de travail des personnes travaillant via une plateforme de travail numérique ».

Dans le détail, Bruxelles prévoit :

  • Une communication exposant l’approche de l’Union européenne (UE) et ses mesures en matière de travail via une plateforme, invitant également les États membres et les partenaires sociaux à agir en ce sens dans le cadre de leurs compétences, et préconisant également des travaux au niveau international sur ce sujet.
  • Une proposition de directive européenne relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme.
  • Un projet de lignes directrices précisant l’application du droit de la concurrence de l’UE aux conventions collectives des travailleurs indépendants sans salariés.

Ce paquet de mesures, assez ambitieuses il faut le dire, s’inscrit dans la suite de la consultation des partenaires sociaux en deux phases comme prévu par l’article 154 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dont la dernière phase s’est achevée le 15 septembre 2021. En tant que partenaire social européen, la Confédération européenne des cadres (CEC), présidée par la CFE-CGC, a répondu à ces deux phases de consultation.

 

PRÉSOMPTION DE SALARIAT POUR LES TRAVAILLEURS DES PLATEFORMES NUMÉRIQUES :

Le projet de directive instaure une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes numériques qui remplissent certains critères démontrant un lien de subordination.

Les cinq critères proposés par la Commission européenne sont les suivants :

  • déterminer le niveau de rémunération ou fixer des plafonds ;
  • superviser l’exécution du travail par des moyens électroniques ;
  • restreindre la liberté de choisir ses horaires de travail ou ses périodes d’absence, accepter ou refuser des tâches ou faire appel à des sous-traitants ou des remplaçants ;
  • fixer des règles contraignantes spécifiques en ce qui concerne l’apparence, la conduite envers le destinataire du service ou l’exécution du travail ;
  • restreindre la possibilité de se constituer une clientèle ou d’effectuer des travaux pour un tiers.

Si la plateforme remplit au moins deux des cinq critères, elle sera alors juridiquement présumée être un « employeur » et devra traiter les travailleurs concernés comme des « salariés ». Si elle conteste une telle qualification, il lui appartiendra de prouver qu’il n’existe pas de relation de travail puisque le texte prévoit une inversion de la charge de la preuve.

 

RENFORCER LA TRANSPARENCE DANS L’UTILISATION DES ALGORITHMES PAR LES PLATEFORMES :

La directive vise également à renforcer la transparence dans l’utilisation des algorithmes par les plateformes de travail numériques, à garantir un suivi humain du respect des conditions de travail et à créer un droit de contester des décisions automatisées. Ces nouveaux droits visent tant les travailleurs salariés des plateformes que les travailleurs véritablement indépendants.

En effet, le texte prévoit que les plateformes ne doivent pas utiliser « de systèmes de surveillance et de prise de décision automatisés d’une manière qui exerce une pression excessive sur les travailleurs de la plateforme ou qui met en danger la santé physique et mentale de ces derniers » (article 7.2).

Par ailleurs, en cas de décisions défavorables au travailleur, comme une déconnexion, la plateforme doit lui permettre « d’avoir accès à une personne de contact désignée pour discuter et clarifier les faits, les circonstances et les raisons ayant conduit à la décision » (article 8), une décision qui pourra être contestée. Enfin, les plateformes devront informer et consulter les travailleurs et leurs représentants sur les décisions de gestion algorithmique (article 9).

 

CLARIFIER LES OBLIGATIONS EXISTANTES EN MATIÈRE DE DÉCLARATION DE TRAVAIL AUX AUTORITÉS NATIONALES :

La proposition de la Commission a également pour objectif de clarifier les obligations existantes en matière de déclaration de travail aux autorités nationales. Elle prévoit la mise à disposition, par les plateformes, des informations essentielles concernant leurs activités et les personnes qui exercent une activité par leur intermédiaire auprès des autorités nationales.

Le texte doit désormais être examiné par le Parlement européen et le Conseil. Une fois la directive adoptée, les États membres auront deux ans pour la transposer en droit national. La ministre du Travail, Elisabeth Borne, a déjà fait savoir, le 25 janvier dernier devant la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen, que la France jouera son rôle de présidente de l’UE pour faire avancer les discussions sur cette proposition de directive. Même si, on le sait, la présomption de salariat a déjà fait grincer pas mal de dents à Paris.

Sonia Arbaoui

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