Climat : le GIEC tire encore la sonnette d’alarme
Le dernier rapport des experts climat de l’ONU souligne la nécessité d’accélérer les efforts pour se préparer aux impacts grandissants du changement climatique.
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Le dernier rapport des experts climat de l’ONU souligne la nécessité d’accélérer les efforts pour se préparer aux impacts grandissants du changement climatique.
Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), qui évalue l’état des connaissances sur l’évolution du climat ainsi que ses causes et ses impacts, a publié le 28 février 2022 le deuxième volet de son sixième rapport. Pour rappel, le GIEC est composé de trois groupes, chacun en charge d’une partie du rapport. La première partie a été publiée en août 2021 et se concentrait sur la physique du climat. La seconde partie publiée le mois dernier concerne l’écologie, la vulnérabilité humaine face aux risques et l’adaptation face au changement climatique. Enfin, le troisième groupe travaille sur les moyens d’atténuer le changement climatique et ses conséquences dans un rapport attendu en avril prochain.
La seconde partie du rapport (consultable ici) montre que les impacts du changement climatique se retrouvent dans la majorité des écosystèmes, hydrosystèmes et des sociétés humaines. Il est démontré scientifiquement que de plus en plus de catastrophes naturelles sont causées par l’activité humaine et que la situation de notre planète s’est significativement aggravée.
Le rapport détaille dans un premier temps les effets irréversibles du changement climatique de par l’augmentation des extrêmes météorologiques poussant les systèmes naturels et humains au-delà de leur capacité d’adaptation. Les scientifiques projettent notamment une accélération de la hausse du niveau de la mer Méditerranée (potentiellement d’un mètre d’ici la fin du siècle) entraînant une vulnérabilité du littoral et de ses écosystèmes. Le changement climatique a aussi ralenti la croissance de la productivité agricole et provoqué l’augmentation de phénomènes météorologiques extrêmes, exposant des millions de personnes à l’insécurité alimentaire et à une diminution de la sécurité de l’eau.
D’après le GIEC, la vulnérabilité au changement climatique diffère considérablement d’une région à une autre et à l’intérieur d’une même région. Aujourd’hui, environ 3,3 à 3,6 milliards de personnes vivent dans des contextes très vulnérables au changement climatique. Les femmes, les enfants, les personnes âgées, les populations autochtones, les ménages à faible revenu et les groupes socialement marginalisés sont les plus vulnérables aux effets du changement climatique sur leur santé tant physique que mentale.
Le rapport fait ensuite une évaluation des risques liés au changement climatique à court et moyen terme. À court terme (2021-2040), un réchauffement mondial qui atteindrait +1,5 °C entraînerait une augmentation inévitable de nombreux risques climatiques et présenterait des risques multiples pour les écosystèmes et les êtres humains. Des actions prises sur le court terme permettront de limiter les pertes et dommages mais ne pourront pas toutes les éviter, soulignent les experts. À long terme, les risques du réchauffement climatique varient en fonction du degré de réchauffement. Par exemple, en matière de biodiversité, le risque d’extinction des espèces peut au moins doubler avec un niveau de réchauffement compris entre 1,5 et 3 °C.
De la même manière, les dommages économiques devraient être plus élevés en fonction du niveau de réchauffement. Pour Svitlana Krokovska, météorologue ukrainienne et membre du GIEC, « le changement climatique et les conflits ont les mêmes racines : les combustibles fossiles et notre dépendance à leur égard ». De plus en plus de conflits risquent ainsi de naître sur fond d’appropriation des ressources naturelles (eau, forêts, sols fertiles…). Il est donc urgent de trouver des solutions afin d’adopter un mode de vie plus résilient.
Si le rapport du GIEC note une amélioration dans la mise en œuvre de l’adaptation dans tous les secteurs et toutes les régions, ces progrès ne sont pas répartis égalitairement et de nombreuses lacunes sont observées. Le GIEC mentionne plusieurs solutions d’adaptation et d’atténuation, notamment l’agroforesterie, la restauration d’aires dégradées et la diversification de la production d’énergie. Les solutions multi-sectorielles qui s’attaquent aux inégalités sociales permettent aussi d’augmenter l’efficacité de l’adaptation dans de nombreux secteurs. Par ailleurs, des limites à l’adaptation ont déjà été atteintes : c’est le cas du blanchiment des coraux et de la fonte de la banquise.
Le GIEC et l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) s’accordent sur la nécessité de sauvegarder la biodiversité et ses écosystèmes pour un développement résilient au changement climatique. Selon de récentes analyses, « le maintien de la résilience de la biodiversité et des services écosystémiques à l’échelle mondiale dépend de la conservation efficace et équitable d’environ 30 à 50 % des terres, des eaux douces et des océans de la planète, y compris les écosystèmes actuellement proches de l’état naturel ». Selon le GIEC, moins de 15 % des terres, 21 % des eaux douces et 8 % des océans sont aujourd’hui protégés.
Le rapport est sans appel : un quelconque délai dans la mise en place d’actions d’adaptation et d’atténuation nous fera rater une fenêtre d’opportunité – déjà très restreinte – afin d’assurer un futur vivable et durable pour tous. Un développement résilient est tout de même possible, note le GIEC, « si les gouvernements, la société civile et le secteur privé font le choix d’un développement inclusif qui donne la priorité à la réduction des risques ».
Vinciane Vialard