LE PRINCIPE DE L’ÉPARGNE SALARIALE :
Il s’agit d’un dispositif qui, moyennant une fiscalité et des cotisations sociales avantageuses, permet au salarié de se constituer une épargne longue dans le cadre de son entreprise. L’intéressement et la participation peuvent être placés dans des plans d’épargne entreprise (PEE) ou dans des plans d’épargne retraite (PER) individuels ou collectifs, ces derniers ayant pris la suite du PERCO en 2019. Ces supports peuvent recevoir, dans certaines limites, des abondements volontaires du salarié et de l’entreprise. Les sommes sont bloquées jusqu’au départ en retraite et durant 5 ans dans le cadre d’un PEE, sauf en cas de déblocage anticipé.
LES ENCOURS DE L’ÉPARGNE SALARIALE :
Selon les chiffres communiqués par Virginie Sinner, directrice du développement commercial de l’épargne entreprise chez Axa Santé et Collectives, l’épargne salariale totalise 162 milliards d’euros (Md€) d’encours gérés en France, dont environ la moitié est disponible, c’est-à-dire récupérable par le salarié sans qu’il ait à le motiver. Les versements ont été de 19 Md€ en 2022, les rachats globaux de 16 Md€ dont environ 6 Md€ de déblocages anticipés.
LES GRANDES CATÉGORIES DE DÉBLOCAGES ANTICIPÉS :
Il existe une dizaine de cas de déblocage anticipé qui correspondent aux grands événements de la vie. Virginie Sinner les répartit en quatre catégories :
- Les événements personnels (mariage, PACS, naissance ou adoption d’un troisième enfant, séparation du couple avec garde d’enfant…).
- L’habitat (acquisition, agrandissement, construction de la résidence principale…).
- La vie professionnelle (création d’entreprise, cessation du contrat de travail…).
- Les aléas et coups durs (décès, invalidité, violences conjugales…).
LE TOP 3 DES CAS DE DÉBLOCAGE :
Selon Axa, les salariés débloquent leur épargne salariale en priorité pour trois raisons. Premièrement, la résidence principale – autant la première acquisition que la(es) suivante(s) – à hauteur de 2 Md€ en 2022. Deuxièmement, les motifs liés à la vie professionnelle, notamment la cessation du contrat de travail. Troisièmement, le mariage et le PACS. Le dixième cas ouvert depuis juin 2020 qui permet de débloquer l’épargne salariale pour motif de violence conjugale serait encore d’utilisation marginale.
LE DÉBLOCAGE EXCEPTIONNEL POUR FAIRE FACE À L’INFLATION :
La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat de 2022 a ouvert un cas de déblocage exceptionnel pour faire face à l’inflation. Il permettait aux salariés de débloquer leur épargne salariale investie sur un PEE dans la limite de 10 000 euros jusqu’au 31 décembre 2022, sous conditions, et de la mobiliser pour financer des achats de biens et services. Cette mesure a été utilisée à hauteur de 1,3 Md€ en 2022, soit seulement 1 % des montants potentiellement déblocables. C’était la quatrième fois qu’une telle fenêtre de déblocage exceptionnel était ouverte pour cause de pouvoir d’achat, après celles de 2004 sous la présidence de Jacques Chirac (7 Md€ débloqués), de 2008 (Nicolas Sarkozy, 4 Md€) et de 2013 (François Hollande, 2 Md€). Les retraits pour ce motif sont donc en diminution constante.
LES NOUVEAUX CAS INTRODUITS PAR L’ANI SUR LE PARTAGE DE LA VALEUR :
L’ANI conclu le 10 février 2023 sur le partage de la valeur, signé par la CFE-CGC, comporte trois nouveaux cas de déblocage anticipé afin de favoriser la rénovation énergétique, l’acquisition d’un véhicule propre, et de faire face aux dépenses en cas de situation de salarié proche aidant. Leurs modalités seront précisées lors de la transposition législative de l’accord.
LES REFUS DE DÉBLOCAGE ANTICIPÉ :
Dans certains cas, la demande de déblocage anticipé par le salarié est refusée par la société de gestion. Par exemple, si quelqu’un réclame son épargne parce qu’il a l’âge de la retraite, alors que la condition de déblocage est d’avoir pris sa retraite effectivement. Raphaëlle Bertholon, membre de la Commission consultative Épargnants de l’Autorité des marchés financiers (AMF), rappelle qu’en cas de litige, la médiatrice de l’AMF peut être saisie : « Ce sont souvent des cas spécifiques où les textes sont silencieux, manquent de précision et nécessitent une interprétation, avec un avis indépendant et impartial. Et c’est un service gratuit. » Pour plus d’informations, elle renvoie au blog de la médiatrice de l’AMF.
LA POSITION DE LA CFE-CGC :
Raphaëlle Bertholon a indiqué lors de la table ronde que « l’épargne salariale au sens large est un vrai sujet syndical pour la CFE-CGC (sur le sujet, consulter le mémo CFE-CGC sur l’épargne salariale). C’est une épargne longue qui finance l’économie et un outil qui permet d’influencer le modèle économique, de l’orienter vers des entreprises vertueuses à travers des choix d’investissements ciblés, à l’image des actions du Comité intersyndical de l’épargne salariale (CIES) ».
Elle a rappelé l’opposition de la CFE-CGC à la mesure de déblocage exceptionnel de 2022 : « Pour nous, la réponse à ce problème de pouvoir d’achat réside dans l’augmentation des salaires. L’épargne salariale ne doit pas servir à masquer le fait que les revenus du travail sont insuffisants ».
Enfin, Raphaëlle Bertholon a souligné que lors de la négociation de l’ANI sur le partage de la valeur, la CFE-CGC a obtenu que le déblocage initialement prévu pour le seul achat de véhicules électriques soit élargi à l’ensemble des véhicules propres, pour tenir compte de l’impact emploi. « Tout cela prend du sens par rapport à l’économie vers laquelle nous voulons aller », a-t-elle conclu.
Gilles Lockhart